lundi 22 juillet 2013

LA "DEMOISELLE DU TELEPHONE"

"Les vierges vigilantes", "les Toutes puissantes par qui les absents surgissent à nos côtés", "les Danaïdes de l'invisible" : voici comment Proust, en 1920,qualifie les téléphonistes .
 
A l'époque, en effet, celles qu'on appelle alors "les demoiselles du téléphone" sont des intermédiaires indispensables pour qui veut joindre son correspondant .Opérant dans un central manuel, elle travaillent souvent dans des conditions assez pénibles .

AUX ORIGINES DU TÉLÉPHONE

Le téléphone est une création assez récente puisqu'elle date de la seconde moitié du XIX ème siècle . En 1861, l'Allemand Philipp Reis parvient à transmettre de la musique grâce à un appareil qui préfigure le téléphone, mis au point ensuite par Graham Bell et Thomas Watson,en 1875 .L'invention se propage d'abord aux Etats-Unis puis en Europe . En France, il existe déjà une administration des Télégraphes, rattachée depuis peu à la Poste, mais elle concède l'exploitation du téléphone à la société générale des téléphones, issue de la fusion de trois entreprises privées . Le gouvernement, cependant, exploite des réseaux publics dès 1882, et les premières cabines publiques sont installées dans les bureaux de poste en 1884 .Peu à peu, le privé disparaît, mais l'équipement du pays se fait de manière désordonnée et le nombre d'abonnés reste faible jusque dans les années 1970 . En 1881, on en compte ainsi à peu près 2000 et, en 1965, moins de 3 millions, ce qui est très peu par rapport aux besoins . En 1966, il faut encore attendre trois ans après en avoir fait la demande pour être raccordé au réseau .

LE CENTRAL MANUEL

Toutes les lignes venant des postes particuliers passent par un central chargé de distribuer les appels . quand on désire joindre quelqu'un il faut d'abord se connecter au central dont on dépend, qui lui-même met le client en relation directe avec son correspondant si celui-ci habite le même secteur, ou, si ce n'est pas le cas, avec un autre central . Ces opérations sont effectuées manuellement, par des téléphonistes sans lesquelles le système ne pourrait pas fonctionner . Équipées d'un récepteur fixé sur l'oreille, le "serre-tête", remplacé plus tard par le casque, elles reçoivent les demandes des clients et établissent les communications en insérant une fiche dans le conjoncteur, appelé aussi le "jack", qui correspond à la ligne qu'on veut obtenir . Ces jacks sont positionnés sur un panneau vertical placé devant opératrice . Lorsque la ligne choisie est déjà occupée, une lampe s'allume et l'on réitère la demande plus tard . Avec un tel système, les communications sont parfois difficiles à obtenir, en particulier lorsqu'il faut passer par plusieurs téléphonistes . En outre, les erreurs sont courantes, comme à l'heure actuelle lorsqu'on se trompe de numéro . Peu à peu le central manuel est remplacé par le central automatique où n'intervient plus l'opératrice mais, en 1965, la moitié des centres sont encore manuel .

LES DEMOISELLES DU TÉLÉPHONE

Les téléphonistes sont pour la plupart des femmes et leur tâche est ardue . Les premières travaillent debout devant leur tableau de jacks . Elles obtiennent  l'autorisation de s'asseoir en 1890, mais leur chaise doit être positionnée à au moins un mètre de leur table ! Elles se relaient par tiers et travaillent en moyenne sept heures de suite . Si, dans un petit central, la cadence reste raisonnable, dans un grand central, comme celui de Gutenberg où officient plus de 1000 opératrices, chaque téléphonistes doit gérer 80 lignes en même temps et passer en moyenne 6 communications par minute, ce qui réclame un effort de concentration de tous les instants . Qui plus est, la discipline est très stricte, et l'encadrement, généralement masculin, assez paternaliste . Les erreurs, les retards ou tout autre manquement sont sévèrement punis . Cette discipline s'assouplit un peu entre les deux guerres et surtout après 1945, mais le travail est toujours aussi monotone . Il faut en outre supporter la mauvaise humeur de certains clients qui ne parviennent pas à obtenir rapidement leurs correspondants .Les opératrices sont accusées d'indiscrétion ou de négligence . les problèmes de santé liés à ces conditions de travail sont nombreux : perte d'acuité auditive, douleurs de dos, troubles nerveux .... Ajoutons à cela que les salaires sont très bas .

D'AUTRES MÉTIERS DU TÉLÉPHONE

Beaucoup de femmes travaillent aussi dans les usines qui fabriquent ou réparent les téléphones, où elles occupent les postes les moins qualifiés . Elles sont ainsi bobineuses, soudeuses, câbleuses, monteuses, décolleteuses ou encore tourneuses . Les "lignards" chargé d'installer les lignes sont, par contre, des hommes . Ils travaillent à l'extérieur, parfois dans des conditions difficiles .


                                            Bureau central téléphonique de l'avenue de l'Opéra vers 1880-1890

D'après un article de Florence Fourré-Guibert

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