La prostituée, le plus vieux "métier" du monde ? C'est là, sans contexte, une idée fausse, mais il est vrai que la prostitution apparaît dans certaines civilisation, dès l'antiquité .
Tolérée ou pourchassée, la prostituée est perçue tantôt comme une femme utile à la société, tantôt comme une débauchée ;son statut oscille entre la grande courtisane et la victime d'une sordide exploitation sexuelle .
DU SACRE AU VÉNAL
Il semble qu'à l'origine la prostitution soit religieuse . Les prostituées sacrées officiant dans les temples sont assimilées à des prêtresses et servent les divinités de la fertilité . En s'unissant aux prêtres ou aux fidèles, elles régénèrent symboliquement les forces du monde, et ce n'est qu'avec le monothéisme hébraïque que commence à décliner ce type de prostitution .
En outre, les bénéfices engendrés étant considérables, la prostitution devient une pure histoire d'argent, et les filles envahissent rues et cabarets . En Grèce, puis à Rome, la prostitution est une activité économique admise . Alors que les lois répriment le viol et les relations extra conjugales avec des femmes libres, les prostituées sont reconnues d'utilité publiques . Leur statut cependant est variable . La pornai, esclave et propriété d'un proxénète, vit misérablement alors l'hétaire, prostituée de luxe, indépendante, dirige sa vie .
LE MOYEN ÂGE : ENTRE RÉPRESSION ET TOLÉRANCE
L'attitude des chrétiens vis-à-vis de la prostitution est ambiguë : on condamne la fornication, mais les Pères de l'Église, en particulier Thomas d'Aquin, la jugent nécessaire pour protéger les femmes mariées et les jeunes filles . Sous Charlemagne, prostituées et proxénètes sont passibles du fouet mais, en réalité, la prostitution est tolérée et, à partir du XIV ème siècle, elle est organisée par les autorités . Les municipalités ouvrent des établissements publics, dont ils tirent grand profit, ainsi que certains couvents ou chapitres . On réglemente alors les déplacements des prostituées et leur habillement, les horaires des maisons, la clientèle (beaucoup sont interdites aux hommes mariés, aux prêtres et aux juifs) et les relations entre le gérant, les prostituées et les autorités . En 1360 par exemple, Jeanne I ère ouvre une maison à Avignon pour renflouer ses caisses . Les filles y sont suivies par des médecins e dirigées par une abbesse ! Beaucoup de prostituées, cependant, travaillent dans la rue . Leur profession est à ce point reconnue qu'elles offrent un vitrail à la cathédrale de Chartres comme n'importe quelle autre corporation .
LE GRAND ENFERMEMENT
Cette tolérance prend fin au XVI ème siècle . Sous l'Ancien Régime, la répression devient féroce : les filles sont emprisonnées dans des asiles, en fait des prisons, où elles vivent misérablement . La Salpêtrière, bâtie en 1658, accueille ainsi un grand nombre de femmes, des prostituées mais aussi des adultères, des "fornicatrices" et même des femmes dont le seul tort est d'être pauvres et célibataires ! Elles ne sortent que sur avis de prêtres et de religieuses qui jugent de leur repentir . Beaucoup meurent de misère et de faim . Malgré tout, Paris compte plus de 30 000 prostituées à la veille de la Révolution .
LES MAISONS CLOSES
Au XIX ème siècle, l'état recommence à gérer la prostitution . Dès 1796, on institue un registre des prostituées parisiennes autorisées . En 1802, la visite médicales devient obligatoire pour enrayer la syphilis . Enfin, c'est l'ère des maisons closes, lieux de vie sociale où se retrouvent sans honte, l'homme d'affaires, le fils de famille ou l'étudiant . Les filles y sont souvent cloîtrées et traitées en mineures . Elles ne sortent que pour la messe ou la visite médicale. Arborant alors une sorte d'uniforme, elles marchent en rang, les yeux baissés . Gare à celle qui voudrait s'écarter : elle recevrait une correction . Ces maisons sont tenues par une ancienne prostituée, qui assure ainsi sa retraite, et par un proxénète qui maintient l'ordre, parfois par la terreur . Les établissements vont de la "maison d'abattage", des bouges où les filles travaillent à la chaîne, à l'établissement grand luxe . La plupart possèdent, au rez-de-chaussée, un salon où les clients peuvent discuter, fumer et choisir les femmes . A l'étage, les chambres servent à travailler et à vivre . Si la vie en maison close est plus protégée que celle de la rue, les femmes ne disposent d'aucun espace de liberté ni d'aucune vie privée, lorsqu'elles ne sont pas maltraitées . Quand elles tombent malades ou deviennent trop vieilles, elles sont chassées . La courtisane adulée et souveraine et marginale, et l'image pittoresque de la prostituée maternée par sa patronne relève souvent de la légende . Beaucoup de filles sont des étrangères, des campagnardes abandonnées ou des servantes chassées, que seule la pauvret pousse à se prostituer . leur misère affective et physique est très grande . En 1946, Marthe Robert, ancienne prostituée, fait fermer les maisons closes, ce qui n'empêche pas la prostitution de continuer à prospérer .
Le sérail parisien ou le bon ton de 1802
D'après un article de Florence Fourré-Guibert
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